Introduction

Comme indiqué dans la première partie consacrée au cycle de l’azote, le second processus, la dénitrification intéressera plus spécialement ceux qui veulent aller plus loin.

Dans la section dureté de l’eau, nous avons vu qu’une partie de l’eau du bassin nécessitait régulièrement d’être remplacée pour remonter la valeur du KH qui ne cesse de diminuer : c’est vrai également pour réduire la concentration des nitrates qui au contraire, ne cesse d’augmenter. Par dilution avec de l’eau neuve, qui comporte - théoriquement- moins de nitrates que l’eau du bassin, on peut normalement plafonner cette valeur à une concentration « acceptable » de 50 mg/l.

Le monde du bassin rassemble des tas de gens d’horizons différents dont les objectifs sont très variés. Pour la majorité d’entre eux, posséder un bassin avec des poissons leur permet de s’évader et de recréer un espace aquatique de détente. Pour d’autres, il n’y aura jamais de poissons et le bassin sera purement décoratif. Mais pour certains, le bassin n’est pas dédié à la déco ou une extension naturelle du jardin, il est un outil de développement pour faire croître des Koi. L’esthétique des lieux est souvent secondaire et les principaux objectifs sont la santé, la couleur et la taille des Koi.

La taille du bassin détermine le nombre de Koi qu’il est possible d’élever simultanément et a un impact direct sur la santé des poissons. Une densité faible génère moins de stress, donc un niveau de santé optimal. La densité d’empoissonnement n’est évidemment pas le seul critère qui influe sur la santé de nos protégés, mais il a un impact important. Un bassin à Koi ne devrait contenir qu’un Koi pour deux m3 d’eau minimum, voire trois m3.

La couleur et la taille dépendent du sujet lui-même bien-entendu, sa génétique, mais aussi de la qualité de l’eau et de celle des aliments. La qualité d’eau dépend de la gestion du bassin dans son ensemble et plus particulièrement du niveau de la filtration. Et la filtration…. elle ne doit pas se réduire à une usine à nitrates ! Ce paramètre que l’on ignore trop souvent, parce que considéré comme « moins toxique », est pourtant un facteur important qui limite la croissance et qui affecte la qualité de la peau des Koi.

On constate trop souvent que les installations sont incomplètes et que seule la partie nitrification est importante. Ainsi, on prévoit le meilleur des filtres mécaniques, la meilleure stérilisation qui soit, un filtre biologique parfois énorme, des pompes de qualité…. Mais en ce qui concerne la dénitratation, rien ! Il est vrai que le bassin à Koi ne comporte pas de plantes : c’est avec raison car même en prévoyant une vaste zone plantée, vu la quantité d’aliments apportée dans un bassin à Koi, ces plantes ne sont pas en mesure de réduire les nitrates de manière significative. Sans compter les inconvénients d’une zone plantée dans le bassin.

Le bassin de jardin traditionnel, plus populaire, reçoit généralement son lot de plantations : ce n’est pas un inconvénient et c’est même souvent porteur d’avantages à condition de faire le bon choix des plantes, et de bien en maitriser les effets. Faut-il rappeler encore une fois qu’un bassin, qu’il soit de type vivier ou de type bassin de jardin mixte n’a rien de naturel, et n’est en rien comparable aux processus qui sont observés dans des étangs ou lacs naturels ! Cela reste un bassin artificiel … seuls certains naïfs peuvent penser qu’un bassin construit dans leur jardin pourra « s’équilibrer » et « s’auto-épurer » comme dans la nature…

On admet souvent que la valeur maxi de 50 mg/litre de nitrates est la limite à ne pas franchir : elle l’est pour de nombreux pays pour qualifier de potable une eau de distribution. Durant des années, on a jugé bon d’admettre que cette valeur était la « norme » dans le monde du bassin à Koi, mais il s’avère que pour de nombreux experts, cette valeur devrait être comprise entre 5 et 10 mg/l. Ceci pour optimiser le développement et l’éclat des couleurs des Koi. Il est clair qu’il est impossible d’atteindre cet objectif par de simples changements d’eau.

L’eau de pluie

Utiliser l’eau de pluie ? L’eau de pluie contient peu de nitrates effectivement (5 à 10 mg/l maxi selon les zones géographiques) mais n’est pas toujours exempte de polluants dont on ignore souvent la nature et la quantité. De plus, cette eau n'est pas minéralisée: il faut donc ajouter du carbonate si on souhaite l'utiliser.

Il serait possible de traiter l'eau (de pluie ou de conduite) par osmose inverse comme en aquariophilie, mais de gros inconvénients sont difficiles à surmonter.

- le rendement des appareils est médiocre et la taille des bassins parfois conséquents.

- beaucoup de gaspillage car le procédé génère encore beaucoup de concentrat (eau de rejet inutilisable).

- nécessité de monter un réseau en pression (surpresseur électrique - ballon) en cas d'utilisation d'eau de pluie.

- nécessité de stériliser l’eau par UVC (sinon risque de développement bactérien sur les membranes).

- sans compter qu’il faut reminéraliser cette eau osmosée, bref une usine à gaz qui nécessite une attention de tous les instants et qui finalement revient plus cher que de l’eau prélevée sur le réseau.

Le plus logique sans être le plus simple est donc d’ajouter au système classique de filtration, un étage spécialement étudié pour favoriser les conditions d’une dénitrification efficace et simple à contrôler. Nous allons examiner ces conditions.

La dénitrification dans la nature

Dans la nature, le nitrate est utilisé par les plantes qui l’utilisent pour synthétiser leurs protéines, la chlorophylle ou leur ADN. De grands poissons familiers à ces lacs mangent les plantes, donc les protéines. Les poissons plus petits font de même et finissent souvent mangés eux-mêmes par des prédateurs. De nombreux autres organismes aquatiques participent à cette transformation. L’azote sous forme nitrate fini toujours finalement par être transformé via ces filières ou par des bactéries tout simplement.

En milieu naturel, les poissons ne sont pas alimentés avec des granulés mais par les poissons plus petits, les plantes ou encore de nombreux invertébrés…. L'azote assimilé par les plantes à partir du nitrate est donc directement consommé par les poissons eux-mêmes.

Les fèces de poisson contiennent également des déchets d'azote, de même que les insectes morts ou les plantes en décomposition. Ces déchets azotés sont utilisés comme source d'énergie par les bactéries hétérotrophes qui colonisent le lac. Le cycle complet naturel de l'azote est beaucoup plus complexe : de l’azote atmosphérique intervient également dans ces échanges, mais dans le domaine du bassin à Koi, par le jeu des interactions nous admettons simplement que l’azote prélevé dans l’atmosphère y retourne tôt ou tard.

Dans un bassin à Koi, il n’y a pas de plantes capables de prélever le nitrate dont la concentration ne fait que progresser. Des plantes à croissance rapide peuvent ralentir l’élévation du taux de nitrates mais sans plus… Beaucoup se contentent alors de pratiquer des changements d’eau, surtout pour empêcher la croissance d’algues filamenteuses, plutôt que pour garder l’objectif de maintenir une eau de qualité.

La dénitrification dans le bassin

La dénitrification est la voie biologique la plus utilisée pour éliminer les nitrates : elle fait partie du cycle de l'azote complet, elle est donc effectuée par certaines bactéries qui tirent profit de ces résidus. Il s'agit donc d'un procédé biologique anoxique qui consiste à réduire les nitrates en azote gazeux via formation de composés intermédiaires le nitrite, l'oxyde nitrique et l'oxyde nitreux.

Attention : anoxique ne signifie pas la même chose qu’anaérobie.

Dans un milieu anoxique, l’environnement est pratiquement exempt d’oxygène. Cela ne se produit que lorsque le taux d'oxygène dissous est inférieur à 1 mg/l ou à 10 % de la saturation (qui dépend de la température).

Tandis qu’un milieu en anaérobie est un environnement dans lequel il n'y a pas de présence d'oxygène.

Il existe deux voies de réduction des nitrates, l'assimilatrice et la voie dissimulatrice.

La voie assimilatrice ou respiration dénitrifiante ou dénitrification

Utilisation du nitrate dans la respiration anaérobie.

Production d’azote gazeux (N2), de nitrite (NO2) ou dioxyde nitreux (N2O)

NO3→NO2→NO →N2O →N2 (par des réductases)

Les bactéries dénitrifiantes peuvent être organotrophes, lithotrophes ou phototrophes.

Les sources de carbone et d’énergie les plus souvent utilisées sont les composés organiques

La voie dissimilatrice ou ammonification du nitrate

NO3→NO2→NH4+ (par des réductases)

Fonctionne dans les habitats anaérobies tels que les sédiments et boues anoxiques par des bactéries anaérobies strictes ou facultatives.

Selon le type de dénitrification, la source de carbone peut varier.

En dénitrification hétérotrophe, la source de carbone est de nature organique.

En dénitrification autotrophe, la source de carbone est inorganique et souvent du C02.

Les conditions anoxique/anaérobique sont indispensables car ces bactéries sont des « aérobies facultatifs ». Ces microorganismes utiliseront l’oxygène s’il est disponible dans l’eau : dans le cas contraire, elles utiliseront les nitrates.

Dénitrification hétérotrophe

Les genres Pseudomonas Fluorescens et Bacillus sont les bactéries les plus rencontrées en dénitrification hétérotrophe. Cependant, des bactéries d'autres genres peuvent aussi intervenir Achromobacter, Aerobacter, Bacillus, Micrococcus, Paracoccus, (Knowles 1982). 

Dans ce type de procédé, la source de carbone organique est fondamentale : elle est disponible dans les aliments et rejets d'origine animale ou végétale. Dans le domaine de l’épuration des eaux usées, une source de carbone est apportée par adjonction d’acide acétique, de méthanol, ou encore d’éthanol. Ces bactéries aérobies-anaérobie facultatives sont capables de réduire le nitrate et le nitrite en azote gazeux dans des conditions anaérobies. Ces micro-organismes utilisent soit l'oxygène, soit des formes oxydées d’azote comme accepteur final d'électrons. Comme indiqué, ces bactéries utilisent du carbone organique comme source de carbone.

Cette technique fonctionne très bien mais présente un gros inconvénient : pour entretenir la réaction biologique il faut nourrir régulièrement les bactéries et apporter le carbone de façon très précise. Avec trop peu de carbone, la réaction est partielle et des nitrites apparaissent, alors que trop de carbone favorise un milieu trop réducteur, qui conduit à la production de sulfures (odeur d’œufs pourris).

Dénitrification autotrophe

Les bactéries dénitrifiantes autotrophe sont capables de réduire les formes oxydées de l'azote, en utilisant du dioxyde de carbone ou des bicarbonates.

Il existe une très grande diversité de genres bactériens capables de réaliser la dénitrification et quatre classes de bactéries sont rencontrées :

Les chimiolithohétérotrophes et les hétérotrophes qui utilisent le carbone organique.

Les chimiolithoautotrophe obligatoires que l’on ne peut utiliser qu’avec du soufre : Thiobacillus denitrificans et Thiomicrospira denitrificans.

Les chimiolithoautotrophe facultatifs qui utilisent le soufre mais qui peuvent également se développer de manière hétérotrophe et utiliser une source d’énergie organique. Par exemple, Thiobacillus versutus, Thiobacillus thyasiris, Paracoccus denitrificans…

Les bactéries autotrophes peuvent oxyder un substrat inorganique comme le soufre : du soufre granulaire est donc utilisé comme support bactérien. Cela produit de l'énergie utile à la croissance des microorganismes.

La dénitrification autotrophe a principalement comme produit final les sulfates combinés à une production d'ion H+ : de l’acide sulfurique est généré ce qui fait baisser le pH (6,0 à 6,5).

Biofilm

Le biofilm est une membrane qui regroupe bactéries, algues, champignons, protozoaires, déchets organiques... Elle dépend de la nature du substrat, de l’éclairement, de la qualité de l’eau et de la température. La formation du biofilm débute par l’adhésion de premières bactéries sur le substrat qui est conditionné par une charge ionique spécifique.

Lorsque les cellules se divisent et s’accumulent, une membrane de liaison se forme: composée de polysaccharides, protéines, de cellules mortes et de débris organiques servant de charpente à cette enveloppe, elle permet la liaison d’autres bactéries qui pourront s’y accumuler. De cette manière, chaque nouvelle accumulation de cellules permet à d’autres organismes de venir s’y installer. Le biofilm ainsi constitué permet une stabilité et une résistance face au courant des eaux.

La vitesse du courant de l’eau modifie énormément la manière dont va se développer le biofilm ainsi que sa constitution. A très faible vitesse (5 cm /s) le biofilm peut déjà se constituer après 24 heures mais il faut attendre une centaine d’heures si la vitesse passe à 30 cm/s. Au-delà de 60 cm/s, le courant empêche la constitution complète du biofilm. Par contre, tout en restant à des vitesses acceptables, l’activité métabolique des bactéries de la nitrification augmente avec la vitesse du courant (Eichem 1993).

Si la lumière est bénéfique pour les algues associées aux bactéries, un excès de lumière inhibe celles-ci: le biofilm qui peut avoir une épaisseur de 1 mm procure une protection qui atténue la pénétration du flux lumineux

Un biofilm peut atteindre 1 millimètre, donc être visible à l'œil nu. Cette forme d'arrangement procure divers bénéfices dont la proximité et la protection.

Le pH et la température

La majorité des bactéries hétérotrophes ont un pH optimal entre 7 et 8 (Knowles, 1982).

Les dénitrifiants autotrophes utilisant le soufre ont un pH optimal de 6 à 9 (Oh et al., 2001).

La dénitrification semble possible de 5 à 40°C : la durée du processus étant plus long à 5° on peut malgré tout observer une réduction totale des nitrates à cette température (Trouve et al. 1998).

Dénitrateur hétérotrophe

Le principe est de faire passer très lentement d’eau du bassin à l’intérieur d’une ou plusieurs chambres opaques remplies de substrat neutre (bioballes) afin de créer le milieu anaérobie. Les bactéries qui colonisent ce type de dénitrateur ont besoin d’une source de carbone (glucose ou alcool). Le plus délicat est de trouver la vitesse d’écoulement de l’eau ainsi que la quantité de carbone à verser. L’inconvénient de ce type de matériel est la période démarrage assez longue.

Vous lirez la description complète du système dans la section « Filtration du bassin ».

Le dénitrateur autotrophe

Il nécessite un réacteur dans lequel il faut verser des billes de soufre. La quantité de soufre équivaut de 0,5 à 1 % du volume de l'eau à traiter pour une valeur de nitrates de max 50 mg/l à l’entrée du réacteur. Pour des valeurs supérieures (> 50 mg/l) prévoir une quantité de soufre égale à 2% du volume total à traiter. Mais dans ce cas, ce réacteur risque de devenir trop grand par la suite.

L’eau circule de préférence du bas vers le haut : une vanne à l’entrée du réacteur permet de varier le débit, sinon une petite pompe à débit variable. La sortie du réacteur doit être ouverte à l'air libre : la colonne doit être suffisamment haute pour que le temps de contact de l’eau en zone anaérobie soit suffisant.

Le débit d'eau dépend du taux de nitrate de l'eau à traiter : plus la valeur est élevée, plus le débit doit être faible. Pour donner une idée, 1 à 3 litre/ heure, par litre de soufre contenu dans le réacteur comme référence : le débit sera ensuite à adapter.

Un débit trop faible génère de l’hydrogène sulfureux (odeur d’œuf pourri)

Un débit trop important génère des nitrites ou des nitrates dans l'eau de sortie.

Bien réglé, la valeur des nitrates doit être proche de 0mg/l.

La présence de CO2 rend l'eau qui sort du réacteur très acide : on peut refouler cette eau directement dans le bassin, ou remonter le pH par aération avant le retour vers le bassin.

Cette technique fonctionne bien mais présente un gros inconvénient : durant la phase de démarrage, la production de nitrites est importante : cela peut durer quelques jours, il faut donc limiter le débit d’eau durant cette phase de démarrage.

Cette eau contient également des sulfates mais dont la valeur n’aurait pas de répercussions sur le bassin et ses occupants.

Vous lirez la description complète du système dans la section « Filtration du bassin ».

Filtres à plantes

Un filtre à plante ne peut pas réduire la concentration de nitrates de manière satisfaisante : de plus, les effets ne sont visibles qu’à la belle saison… Mais un réseau de bacs plantés, isolés du bassin peuvent contribuer à diminuer ce toxique.

Vous lirez la description complète du système dans la section « Filtration du bassin ».

Echangeur d'ions

L'échange ionique consiste à transférer les nitrates de l'eau sur un support, appelé échangeur d'ions, qui les capte et libère en contrepartie une quantité équivalente d'ions dont la présence n'est pas gênante.

L'échangeur d'ions possède une capacité limite de stockage et doit être régulièrement régénéré, par une solution fortement concentrée : on fait percoler une saumure très concentrée en ions chlorures ou en bicarbonates, ceux-ci se refixeront sur la résine qui libérera les nitrates piégés.

Dans le cas de l'élimination des nitrates, on utilise des résines de type anionique. Comme la plupart des échangeurs, ces résines se présentent sous forme de billes de diamètre compris entre 0,4 et 0.8 mm, Ce sont des polymères de composés aromatiques comprenant des groupes ionisés de type basique.


Haut